LES CRAMÉS DE LA BOBINE
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L’Autre

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L’Autre (L’Autre )

jeudi 16 avril 2009 par Cramés
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Semaine du 2 au 7 avril 2009


Semaine du 16 au 21 avril 2009

SOIREE-DEBAT JEUDI 16 AVRIL 2009 à 20h00


Film français, Février 2009, 1h37
Réalisé par Patrick Mario Bernard, Pierre Trividic avec Dominique Blanc, Cyril Gueï et Peter Bonke

Distribué par Ad Vitam

Synopsis : Anne-Marie se sépare d’Alex. Il veut une vraie vie conjugale. Elle veut garder sa liberté. Ils se séparent sans heurt et continuent à se voir.Pourtant, lorsqu’elle apprend qu’Alex a une nouvelle maîtresse, Anne-Marie devient folle de jalousie. Et bascule dans un monde inquiétant, fourmillant de signes et de menaces.

Quelques critiques *** Dossier de presse *** Bande annonce *** L’univers et la bibliographie d’Annie Ernaux *** Journal des débats


L’univers d’Annie Ernaux, entre déchirure et impudeur... (L’Autre )

jeudi 9 avril 2009 par Claude

Quelques mots sur les thèmes et obsessions d’Annie ERNAUX, le dépouillement de son style - à l’image de son questionnement intime et déchiré

Voir aujourd’hui avec "L’Autre" un film inspiré par un récit autobiographique aussi incandescent que "L’Occupation" est une joie et une récompense pour qui, depuis des années, trouve dans les questionnements d’Annie ERNAUX un écho intense et douloureux à ses angoisses ou à ses propres interrogations :
comment trouver sa "place" dans une famille, une communauté, sociale ou amicale ? Faut-il être soi-même ou naviguer à vue entre deux milieux, deux cultures ? Doit-on parler au risque de blesser, de porter à faux ou se taire au prix de la souffrance ou de la frustration ? Jusqu’à quel point peut-on parler de soi, entre pudeur et voyeurisme, entre cette petite musique intérieure que chacun voudrait donner à entendre et les grandes orgues que, trop souvent, nous faisons retentir ? S’exprimer simplement, voire sèchement, pour faire passer un message, une émotion - par un regard, par le silence - ou parler plus longuement, au risque du bavardage, de la complication, et, à terme, paradoxalement, de l’incommunicabilité ?

Ces questions du silence, du regard, de la parole ne sont-elles pas au coeur de la démarche cinématographique ? L’image peut-elle autant - ou mieux ? - que les mots dire la souffrance et le déchirement ? Représenter, est-ce exprimer ou, simplement, suggérer ?

Comment faire découvrir ou redécouvrir Annie ERNAUX aux fidèles des "Cramés" "sans prendre le parti de l’art, ni chercher à faire quelque chose d’émouvant" - pour parodier l’intention, à peine littéraire, de "La Place", son oeuvre essentielle, en hommage à son père, reconnue, en 1984, par le prix Renaudot ?

Refusant le réalisme laborieux comme le romantisme facile, son écriture, exigeante et sobre, humble et tendre, se tient au plus près de la vérité intime : elle la poursuit entre récit, autobiographie et chronique sociale - de la révolte adolescente de "Ce qu’ils disent ou rien" à l’épreuve presque réconciliée d’ "Une Femme" (sur la mère de l’écrivain) ou de "La Place" - en passant par la rage tranquille, implacable de "La Femme gelée", sur son divorce : ses dernières pages sont superbes !! Des bouillonnantes "Armoires vides" (sur son avortement,... "Evénement" redit plus tard) au dépouillement affectif du "Je ne suis pas sortie de ma nuit" face à l’agonie de la mère ou de la chronique urbaine ou sociale du "Journal du dehors" et des "Années", l’agrégée de lettres modernes l’a compris : l’écriture, inaugurée en 1972, obéit, comme l’enseignement ou l’éducation, à une douloureuse contradiction : S’EFFACER pour mieux donner à entendre l’autre - ou soi-même ; et pourtant, S’EXPOSER, inlassablement...

Cette contradiction, poussée jusqu’au déchirement, innerve son oeuvre et palpite à chaque page, pour crier cette "douleur du vivant", assumée, revendiquée même dans l’épigraphe d’ "Une femme" : elle creuse toutes les séparations, amène toutes les ruptures : déchirements entre famille et école, enfance normande et villes nouvelles, milieu populaire et culture bourgeoise, fidélité aux parents et nécessaire trahison pour s’épanouir, bonheur et aliénation pourtant au sein d’une famille modeste, révolte et résignation ...

Contradiction, déchirement enfin entre "l’insurmontable blessure du quotidien’ dont parle Michaux et la soif d’absolu - qu’il s’agisse de retracer au scalpel une "passion simple" ou de témoigner de l’impossible communication entre les êtres par-delà les préjugés ou les représentations mentales, les barrières sociales, les codes du langage.

Ecrire, pour Annie ERNAUX, c’est dire, apaiser, presque soigner les déchirures - fussent-elles sources de "honte", comme cette scène de violence familiale entrevue par l’enfant...
C’est choisir la vie ondoyante contre les rassurantes normes.

Aux bavards romantiques qui, selon le mot de Flaubert, "ne réussissent qu’à faire danser les ours quand on voudrait attendrir les étoiles", l’écriture âpre d’ Annie ERNAUX rappelle avec Aragon que "la vie est un étrange et douloureux divorce". "Comme de l’amour séparé"...

Nous aurions voulu inviter Annie ERNAUX : contactée, elle ne peut venir, pour raison de santé. Peut-être en revanche vous proposera-t-on ses livres à l’issue de la soirée-débat du jeudi 16 avril...

A l’heure où l’authenticité sonne comme un slogan publicitaire, où la quête de soi passe pour de l’impudeur ou se fourvoie dans le voyeurisme télévisuel, si l’on osait, avec Annie ERNAUX, paraître enfin ce que l’on est ?!

D’avance, bonne soirée ! Et venez nombreux...

Petite bibliographie subjective d’Annie Ernaux

Ces ouvrages, dont certains vous seront proposés lors de la soirée-débat du jeudi 16 avril, sont disponibles en Folio - sauf "L’Ecriture comme un couteau" chez Stock et "Les Années" - chez Gallimard.
Voici quelques remarques des "Cramés" et une cotation - qui n’engage que son auteur ! - d’ intéressant (*) à excellent (****) en passant par très bon (**) ou remarquable (***) :

** "Les Armoires vides", Paris, Gallimard, 1974 :

Un premier livre-choc, où Annie Ernaux donne, déjà !, toute sa mesure et son style : elle y évoque son avortement l’année même où Simone Veil plaide à l’Assemblée nationale en faveur de la légalisation de l’IVG. Un livre cru, révolté, très intime, dont l’écriture éclatée et rageuse rappelle Céline. Curieux mélange de pudeur et d’impudeur. Rencontre insolite de la vie personnelle et de l’Histoire, qui préfigure "Les Années", mais sur une pente autobiographique très accentuée.

** "Ce qu’ils disent ou rien", Paris, Gallimard, 1977 :

Le livre de la révolte adolescente, un été et une rentrée, émoi amoureux et déception sentimentale, une écriture balbutiante, tout en ellipses et points de suspension, un monologue intérieur d’ado en butte à la parole inquiète ou moralisatrice de ses parents : "ce qu’il disent ou rien", ..."je m’en fiche, en somme" !

**** "La Femme gelée", Paris, Gallimard, 1981 :

A lire au plus vite, pour le sujet et pour le style, très littéraire et travaillé, assez atypique dans la production de l’écrivain ! Un livre de rage froide, implacable - qui pourrait apparaître comme un règlement de comptes, même si les noms sont toujours transposés, avec l’ex-belle-famille. Un livre très fort sur la souffrance du divorce, sur la difficulté de trouver sa place dans son couple, dans sa famille, sur le rôle qu’on attend de nous, de la femme, qui doit être mère et qui, pourtant, naturellement, peut ne pas se sentir telle, pas encore, pas tout de suite. Un livre à la fois glacial et brûlant, terriblement gênant et qui, pourtant ou pour ça, éveille plein d’échos en nous. Un livre pour comprendre l’autre, faute de pouvoir se mettre à sa "place".

*** "La Place", Paris, Gallimard, 1983 (prix Renaudot 1984) :

Le plus connu, très fort aussi : une biographie du père et une autobiographie de l’enfance normande, déchirée entre deux milieux, deux cultures. Un bel hommage au père, aux parents et en même temps un malaise quant au portrait d’un homme modeste, sans "culture" classique - ouvrier puis propriétaire d’un café-épicerie. Le bonheur et l’aliénation d’une condition modeste. La fidélité aux origines, aux siens et le sentiment d’avoir trahi, d’être passé de l’aute côté... Le livre fondamental, à lire en premier, pour entrer dans l’univers d"Annie Ernaux.

*** "Une Femme", Paris, Gallimard, 1987 :

Un hommage équivalent à la mère, qui vient juste de mourir. un livre plus apaisé, plus littéraire, une écriture moins âpre, moins elliptique - à l’image d’une relation plus confiante, plus complice avec la mère : emplettes, désir d’ascension sociale, goût plus marqué pour la culture...

** "Passion simple", Paris, Gallimard, 1991 :

Un livre un peu rude, la passion charnelle pour un homme rencontré après le divorce, l’évocation des rendez-vous les week-ends sans enfant.
Un avant-propos qui donne le ton, où la tension de l’écriture est comparée à la pénétration.

* "Journal du dehors", Paris, Gallimard, 1993 :

Une chronique entre autobiographie et poème en prose sur les villes nouvelles, une objectivité froide en apparence, qui fait surgir la poésie insolite du quotidien, entre "Le Spleen de Paris" de Baudelaire et "Ce bel aujourd’hui" de Jacques Lacarrière. Rappelons que l’auteur habite Cergy-Pontoise.

** "La Honte", Paris, Gallimard, 1997 :

Impressionnant : la force de l’écriture et la gêne du lecteur. S’il y a des livres fondamentaux, il y a aussi (surtout ?) des événements fondateurs : une scène de violence conjugale, une scène primaire et première ineffaçable, que l’écriture est condamnée à ressasser pour l’exorciser - en vain : pour la blessure originelle, on pense aussi au bouleversant "O vous, frères humains" d’Albert Cohen, sur l’injure antisémite reçue en pleine enfance...

** "Je ne suis pas sortie de ma nuit", Paris, Gallimard, 1997 :

Un très beau livre sur la souffrance et l’agonie de la mère, atteinte par la maladie d’Alzheimer, qui rappelle "Une mort si douce" de Simone de Beauvoir.

"La Vie extérieure", Paris, Gallimard, 2000

** "L’Événement", Paris, Gallimard, 2000 :

Retour sur l’avortement, envisagé avec plus de recul, de façon plus scientifique et sociologique.

"Se perdre", Paris, Gallimard, 2001

*** "L’Occupation", Paris, Gallimard, 2002 :

Le livre du film : la jalousie, le désir - crus et analysés - d’une femme qui a quitté son ami mais ne supporte pas l’idée qu’il puisse connaître et aimer une nouvelle femme.

"L’Écriture comme un couteau", entretien avec Frédéric-Yves Jeannet, Paris, éd. Stock (2003)

"L’Usage de la photo", en collaboration avec Marc Marie, Paris, Gallimard, 2005

**** "Les Années", Paris, Gallimard, 2008 Prix Marguerite Duras 2008 :

Un très beau livre, où l’auteur, dans un style moins sec ou elliptique, semble se déprendre d’elle-même, pour, à partir de photos, retracer toute une époque, de l’après-guerre à nos jours, à travers les objets, la politique, les débats de société. Un livre unanimement salué par la critique, où l’autobiographie semble s’effacer - ou se dépasser ? - dans la chronique sociale.

* * *



Secrets de tournage sur le film "L’Autre" (L’Autre )

jeudi 9 avril 2009 par Claude

Quelques mots sur le son, le titre, le récit-support
d’Annie Ernaux, le désir et le double
dans le film "L’Autre" ...



Rapide revue de presse sur le film "L’Autre" (L’Autre )

jeudi 9 avril 2009 par Claude

Quelques critiques du film "L’Autre" dans la presse nationale

L’AUTRE
* *
Rapide revue de presse
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Le Nouvel Observateur -Pascal Mérigeau :

" L’Autre relève du cinéma le plus pur, porté à l’incandescence par une actrice qui, (...) contrôle chacun de ses gestes, chacune de ses intonations. (...) Un diamant."

Positif - Olivier De Bruyn :

"[La] composition [de Dominique Blanc] contribue, ô combien ! à la réussite de cette fiction très singulière".

TéléCinéObs - Xavier Leherpeur :

"L’Autre est un grand et vertigineux moment de cinéma".

Cahiers du Cinéma - Stéphane Delorme :

"Bernard et Trividic sont les seuls aujourd’hui (...) à redonner corps et foi, sérieux et dérision, au motif rebattu du double.(...) Un film s’efforçant de faire briller chaque parcelle du plan. (...)

20 Minutes :

" Cette oeuvre puissance, où l’actrice se révèle à la fois sobre et bouleversante, immerge complètement le cinéphile au coeur de l’obsession d’une femme en mal d’amour".

Les Inrockuptibles - Serge Kaganski :

" On pourrait se laisser bercer des heures par sa créativité visuelle et sonore. (...) Trividic et Mario Bernard réussissent l’exploit de nous faire ressentir l’onde d’une expérience filmique".

Dvdrama - Romain Le Vern :

" L’Autre est une sombre bataille entre une femme et le diable qui l’emporte. Surprenant (...) Les réalisateurs de Dancing signent ici une oeuvre fascinante, paranoïaque et aliénée où les préoccupations du personnage principal sont une bactérie contagieuse prenant possession de notre raison".

Marianne - Danièle Heymann
"Beau film de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic (...)

Chronic’art.com - Jean-Sébastien Chauvin :
" Malgré ses défauts et ses parti-pris parfois répétitifs (trop de longue focale tue la longue focale) le film continue longtemps de cheminer en nous comme un mauvais rêve, signe que quelque chose le travaille insidieusement".



Journal des débats (L’Autre )

mardi 21 avril 2009 par Claude

Quelques impressions, mitigées, sur la soirée du jeudi 16 avril ...

On attendait, avec "L’Autre", à en juger par les critiques dithyrambiques - complaisantres ? - de la presse sur ce film et l’interprétation de Dominique Blanc, une oeuvre puissante et bouleversante, à la mesure du récit incandescent d’Annie Ernaux : "L’occupation."
Les réactions dans la salle auront été plutôt froides. Seules Christine et quelques amies ont été touchées, voire secouées par ce portrait de femme jalouse, possédée et sont entrées dans cette souffrance, cette obsession. D’autres spectatrices ont ainsi fait remarquer que la froideur de cet univers, de reflets, d’écrans divers, de villes nouvelles ( rappelle Françoise) est justement réaliste et pertinente : la douleur, quand on ne peut la combattre mais qu’on s’ y abandonne totalement, produit justement cet isolement total, ce combat avec ses démons - miroir couvert de journaux pour ne plus se voir, coups de marteau sur la même glace ou sur son propre crâne enfiévré à la dérive...
Certes on ne peut nier que le délire d’Anne-Marie est bien rendu et que le tissu urbain, ce monde de lumières froides, de boîtes de nuit, d’appartements modernes le renforce. On est certes impressionné par les toutes premières et dernières images du film, cette vision nocturne d’autoroutes et d’axes routiers, de centres commerciaux réduits à des points lumineux, à des traces évanescentes qui disent la "moderne solitude" que chante si bien Souchon ; mais n’est pas Lynch ou Sorderbergh qui veut ...
Ce qui m’a gêné, c’est que le personnage ne semble faire aucun effort pour sortir de sa solitude, qu’on ne voit nullement l’autre femme, ni l’ancien ni le nouveau couple : à aucun moment, on ne la voit aller vers les autres malgré son métier d’assistante sociale : elle est même odieuse avec une femme à qui elle dit qu’elle est pire que "folle : normale et foutue". Drôle d’assistante : pourquoi ne pas avoir gardé le métier d’écrivain de "L’Occupation", au prétexte que c’était moins dramatique, moins en prise sur le réel ? Les enseignants ne sont-ils pas chaque jour au contact de la réalité humaine ???
Des spectateurs ont fait remarquer que justement il n’y a pas d’amour, voire pas ou peu de désir paradoxalement ici... Une femme souffre, en devient tantôt pitoyable, tantôt méchante. Elle s’enferme dans son monde. Pourquoi avoir multiplié les effets de miroir, les cadrages serrés, les mouvements de caméra incessants ? - se demande Roland, sévère sur ce film.
Pour moi, l’écriture sèche, jamais complaisante d’Annie Ernaux atteint mieux son but : dire que le désir et le désespoir nous traversent, "planter les aiguilles de la jalousie" - rappelle finalement Henri, lecteur assidu et passionné de l’écrivain.



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