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Quatre Nuits avec Anna (titre original : Cztery noce Z Anna) fait partie de ces films rares qui, loin des superproductions navrantes, proposent un regard acéré et original sur notre monde.
Ce film franco-polonais (87 mn) de l’important cinéaste Jerzy Skolimowski, sorti en 2008 dans une relative confidentialité, mérite d’être découvert ou redécouvert. Son réalisateur a d’ailleurs mis du temps avant de proposer cette oeuvre originale (sa dernière création datait de 1991).
Il nous propose dans ce film dérangeant une réflexion aiguë sur le voyeurisme (le spectateur ne l’est-il pas lui aussi ?), la souffrance et le fantasme amoureux.
Aux yeux de beaucoup de critiques, ce film hors du commun est déjà un chef d’oeuvre et marque aussi le fait que le cinéma des pays d’Europe centrale et orientale est toujours vivant.
Le public de l’AltiCiné de Montargis va enfin pourvoir le découvrir.
Séances du 26 février au 3 mars
Dans une petite ville en Pologne, Léon Okrasa, est employé dans un hôpital. Il a, dans le passé, été témoin d’un viol brutal.
La victime, Anna, est une jeune infirmière qui travaille dans le même hôpital. Léon passe son temps à espionner Anna, à la guetter de jour comme de nuit. Cela devient une véritable obsession…
Un soir, il finit par s’introduire dans l’appartement d’Anna par la fenêtre qu’elle laisse entrouverte. Alors, Léon s’installe sur son lit, l’observe dans son sommeil, s’imprègne de son univers.
Où s’arrêtera t-il ?
Quatre Nuits avec Anna, une oeuvre sombre, poignante et lumineuse par un réalisateur inspiré et des acteurs convaincants.
Quatre Nuits avec Anna marque le grand retour du cinéaste polonais Jerzy Skolimowski après 17 ans de silence.
Certains critiques considèrent à juste titre ce drame franco-polonais comme un chef d’œuvre.
Ce film, inspiré d’un fait divers, raconte quatre nuits hors du commun passées par Léon, le personnage principal interprété par Artur Steranko, en compagnie d’Anna, sa voisine, une troublante et lumineuse infirmière jouée par Kinga Preis.
Jerzy Skolimowski sait comme personne mener le spectateur là où il le souhaite, grâce à un savant sens du montage. Il sait également se servir de la trame de Quatre Nuits avec Anna pour sonder le cœur et l’âme de Léon et d’Anna, deux êtres cabossés par la vie, ayant plus de points communs qu’il n’y paraît à première vue.
Il serait injuste de limiter ce film à un drame sur l’obsession amoureuse et sur le voyeurisme, ce qu’il est par ailleurs (le spectateur lui-même ne l’est-il pas ?).
En réalité, Jerzy Skolimowski donne à ses personnages des pulsions sauvages et une sorte d’animalité qui sont mises au service de l’humanité, de l’amour et de la bonté : car Anna et Léon, êtres malheureux dans un environnement pour le moins triste et étriqué, semblent être l’un comme l’autre à la recherche d’une forme de sérénité et, dirait un psychologue célèbre, de « résilience » ?
Avec Quatre Nuits avec Anna, Jerzy Skolimowski nous offre une histoire émouvante, des acteurs inspirés, une construction brillante du récit, des scènes loufoques inoubliables et une musique envoûtante. Que demander de plus ?
Réalisation : Jerzy Skolimowski
Acteurs
Leon Okrasa : Artur Steranko
Anna : Kinga Preis
Le juge : Redbad Klynstra
Le psy : Jerzy Fedorowicz
Malgorzata Buczkowska
Né en 1958, Artur Steranko fait ses classes d’acteur au Théâtre Wybrzeze de Gdansk, avant d’intégrer la troupe du Théâtre Jaracza de Olsztyn, et d’arpenter les planches.
Il apparaît épisodiquement dans des séries télévisées, et dans les films inédits en France : Kameleon de Janusz Kijowski (2001) et Moj Nikifor de Krzysztof Krauze (2004).
Le grand réalisateur Jerzy Skolimowski le choisit ensuite pour incarner Leon, le héros voyeur et amoureux de Quatre Nuits avec Anna (2008), qui le révèle au monde.
Née en 1971, diplômée de l’école d’art dramatique de Wroclaw, Kinga Preis devient une figure du cinéma national polonais. Largement récompensée par ses compatriotes, Kinga Preis apparaît au casting de Quatre nuits avec Anna de Jerzy Skolimowski.
Quatre nuits avec Anna et Cannes
Quatre nuits avec Anna a été choisi pour faire l’ouverture de la Quinzaine
des Réalisateurs lors du 61ème Festival de Cannes.
Quinze ans sans Jerzy
Quatre nuits avec Anna marque le grand retour au cinéma de Jerzy Skolimowski, qui n’avait rien tourné depuis Ferdydurke, sorti en 1991. Le cinéaste, qui vit en Californie s’est adonné à la peinture. "J’avais enfin le temps de peindre tout ce que j’ai voulu peindre dans ma vie. J’ai exposé aux États-Unis, au Canada, en France, en Pologne. La peinture a toujours été l’art qui m’intéressait le plus. J’ai peint dès mon adolescence, ensuite je n’avais plus le temps. Une chose a contribué à ce que je revienne à la peinture, c’est qu’avec l’âge et les expériences pas très heureuses que j’ai éprouvées quand je faisais mes films, j’ai développé une certaine aversion à côtoyer des gens. Dans cet état psychique d’il y a quinze ans, je ne pouvais donc plus envisager de faire des films. Je me suis enfermé dans mon atelier, je me suis reposé de la fatigue causée par toutes ces personnes. Et cela fait à peu près un an que je me sens de nouveau prêt." A propos de cette longue absence, il ajoute : "En quelque sorte le temps était arrêté (...) C’est comme si j’avais passé quinze ans sur une autre planète."
Le voyeur
Le point de départ du film est un fait divers qui a retenu l’attention de la scénariste Ewa Piaskowska : en Extrême-Orient, l’histoire vraie d’un homme très timide, et très amoureux d’une femme, qui s’introduisait chez elle la nuit pour la regarder.
"Le visage de Buster Keaton"
Jerzy Skolimowski souhaitait que le héros du film, au comportement étrange, suscite des sentiments contrastés chez le spectateur : "Je voulais une attitude ambivalente. Que le spectateur veuille le défendre quand il est condamné, mais d’un autre côté qu’il ne soit pas acceptable à 100 %. Il éveille un certain soupçon, comme s’il y avait en lui une tendance à s’autoaccuser. Il est témoin d’un viol : peut-être cette vue l’a-t-elle fasciné, peut-être était-il trop lâche pour intervenir. Je ne voulais pas un héros sympathique, je veux qu’il soit vu de haut, avec une certaine condescendance, par la plupart des spectateurs (...) C’est un personnage à la limite de l’autisme. Il ne participe pas au monde. Pendant le viol, il est surpris de voir la vie lui présenter quelque chose de si incompréhensible. Le monde prend sa revanche sur lui au tribunal. Il ne répond pas, son visage est absent. Pour mon propre usage, j’appelle cette grimace " le visage de Buster Keaton ". Comme s’il était à côté (...) Le seul moment où j’ai senti ma gorge se serrer au cinéma, c’est pour Au hasard Balthazar. Mon personnage est aussi limité que cet âne (...) cette merveilleuse tristesse ne consiste pas seulement en une grimace, elle touche le corps entier. À Hollywood, je ne pourrais pas avoir cette finesse de trait ; il faudrait que le personnage soit plus criard."
Royal Artur
Le cinéaste est particulièrement heureux d’avoir choisi Artur Steranko pour incarner le personnage principal. "C’est le meilleur choix d’un interprète pour un rôle que j’aie jamais fait", se félicite-t-il. "J’avais trois candidats. Le plus jeune avait 22 ans, le plus âgé 50, le troisième entre les deux. Le plus jeune singeait, c’est un vrai talent qui commence à apparaître. Le second reconnu sur la scène artistique, acteur intelligent, a tout compris au scénario ; force intellectuelle. Un troisième, un homme brisé par la vie, jouant dans un théâtre de province des rôles qui lui arrivent au hasard. C’est celui-là qui m’a convaincu. Les deux autres auraient joué Leon ; lui pouvait le devenir."
Bizarre, vous avez dit bizarre ?
L’une des caractéristiques du film est de faire coexister une dimension sombre, macabre, et une dimension comique. Selon Jerzy Skolimowski, ce mélange des genres correspond bien à la culture polonaise. "La Pologne est un pays assez surréaliste. Le surréalisme renferme et le côté ridicule et le côté tragique. La première image qui m’est venue à l’esprit est celle de la vache qui flotte sur l’eau. Leon, le personnage, va à la pêche et je voulais que dans cette situation normale de sa vie, il y ait un signal qu’il allait se passer des choses bizarres (...) Il y a aussi dans cette région un choc de cultures : c’est à la frontière entre l’ancienne Pologne et l’ancienne Prusse orientale. L’influence allemande est perceptible dans l’architecture de l’hôpital et en même temps les petites maisons sont polonaises. Cette histoire est placée partout et nulle part. Cela ne m’intéressait pas de montrer des voitures, des portables, des téléviseurs..."
"Quatre nuits avec Anna est bourré de signes plastiques, narratifs, poétiques, que l’on repère dans la crainte que Skolimowski les réchauffe à vide. C’est sans compter sur la capacité du cinéaste à intégrer et exploiter ce qui se fait et ce qu’il a fait, pour en apporter un démenti complètement personnel." (Chronic’art.com - Pascale Bodet)
"Magnifique fable aux accents de tragédie, Quatre Nuits… dit l’amour impossible d’un être simple et entouré par la mort (…) pour une Vénus de banlieue abîmée par la vie." (Première - Isabelle Danel)
"(...) le film s’accorde à son personnage étrange, presque autiste, pour qui l’amour est fantasme trouble et dévotion délicate. Il nous rappelle que Skolimowski, longtemps absent des écrans, est un grand cinéaste, qui fait palpiter l’obscurité." (Le Figaroscope - Marie-Noëlle Tranchant)
"Très moderne dans sa construction en récits enlacés, l’oeuvre plonge simultanément dans la culture cinéphilique de la génération des nouvelles vagues. (...) Beau film (...)" (L’Humanité - Jean Roy)
"La rigueur de la mise en scène, la puissance de l’interprétation, la violence de l’histoire et la fin, obscure et terrible, font de ce petit film (1h30) un chef-d’oeuvre." (TéléCinéObs - François Forestier)
"Quatre nuits avec Anna combine la veine sociocritique et la compassion." (Positif - Eithne O’Neill)
"Chronique puissante (...)" (20 Minutes – la Rédaction)
"(...) une philosophie existentielle : le reflet absurde et inévitable de toute relation humaine. (...) un suspens trouble et diffus que Skolimowski filme avec habileté." (Télérama - Pierre Murat)
"C’est déjà un chef d’oeuvre à mettre au crédit du réalisateur polonais (...). C’est surtout un cri d’amour étouffé." (Brazil - Eric Coubard)
fr Films depuis 2009 Année 2009 Quatre nuits avec Anna ?