LES CRAMÉS DE LA BOBINE
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La Maison de la radio

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La Maison de la radio (La Maison de la radio)

mercredi 5 juin 2013 par Cramés

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Semaine du 5 au 11 juin 2013
Soirée-débat mardi 11 juin

Présenté par Claude Sabatier

Documentaire français (1h43, avril 2013) de Nicolas Philibert.

Synopsis : Par le réalisateur de "Être et avoir", une plongée au cœur de Radio France, à la découverte de ce qui échappe habituellement aux regards : les mystères et les coulisses d’un média dont la matière même, le son, demeure invisible

    Dossier de presse     Journal des débats
BO France : 101000



Maison de la radio (La Maison de la radio)

vendredi 31 mai 2013 par Claude

Inflexions et silences, phrasé sobre et fluide sans virgule ni guillemet, attente diffuse du mot juste, du propos tout à la fois dense et spontané, du moment propice, amené par la technique et comme libéré de ses interférences - c’est à un véritable avènement de la parole que nous convie " La Maison de la radio ", le dernier documentaire de Nicolas Philibert.

Avec ce dernier opus, fidèle à la démarche de " La Ville Louvre ", du " Pays des sourds " ou d’ "Être et avoir ", présenté en compétition à Cannes en 2002 et primé par le prix Louis Delluc, le documentariste poursuit sa quête de l’insolite, sa traque du cocasse et du pittoresque, animées par trois principes ou convictions : les vertus de la parole, la force symbolique d’institutions singulières, l’effacement du commentaire témoignant d’une nette préférence pour les chemins de traverse sur les parcours balisés.

La parole est prépondérante dans son univers depuis " La Voix de son maitre", rapportant le propos de douze grands patrons sur la vision de leur entreprise : on entend aussi celle des malades dans " La moindre des choses ", des exercices de prononciation dans " Le Pays des sourds " ou de lecture dans " Être et avoir ".

Quant aux institutions, elles offrent à cet émule de Frederick Wiseman un microcosme révélateur en même temps qu’un lieu d’expériences humaines et cinématographiques : le Louvre dans " La Ville Louvre ", le muséum d’histoire naturelle dans " Un animal, des animaux ", l’école d’un petit village du Puy-de-Dôme dans " Être et avoir " ou la clinique psychiatrique de La Borde dans " La moindre des choses ".

Enfin, l’approche buissonnière de Philibert a de quoi déconcerter dans la mesure où, refusant malgré les six mois de tournage une construction préétablie, une réflexion approfondie sur le fonctionnement de la radio ou la crise récente liée aux compressions de personnel, elle semble appeler le hasard de l’instantané, le choix aléatoire de moments forts ou amusants sur 24 heures d’antenne, dans une volonté en quelque sorte kaléidoscopique de dévoiler toutes les facettes de la maison ronde - ses lieux, ses métiers, ses émissions : le réalisateur n’omet pas les techniciens, les animateurs, les journalistes du Tour de France ou ingénieurs du son captant les bruits de la nature - il ne hiérarchise pas culture et divertissement, ne privilégie pas l’information des matinales de France Inter sur le jeu des mille euros ou les live musicaux de France Bleu. Si le cinéaste s’en remet ainsi aux bonheurs du montage et à la re-création du spectateur, sans poser jamais sa propre marque - commentaire, interview ou voix off - sur les paroles recueillies, on n’en demeure pas moins séduit par l’éventail des séquences proposées, par-delà les surimpressions sonores du début, clin d’œil amusé à la polyphonie radiophonique qui flirte parfois avec la cacophonie pour plaire à tous les publics, amuser et émouvoir autant qu’instruire : la météo marine qui tire de son incompréhensibilité pointilleuse un charme indéfinissable, les conseils mi-maternels, mi-condescendants de la chef des brèves à un jeune stagiaire pour présenter des flashes d’information à la fois simples et circonstanciés, neutres et attrayants, les essais mille fois répétés pour un dialogue de théâtre, les mots patiemment repris et triés dans tel enregistrement comme une prise au cinéma, Marguerite Gâteau faisant répéter Éric Caravaca, l’orchestre de radio France, la voix superbe du chanteur belge Arnaud, les gestes passionnés et désordonnés d’Alain Bédouet brassant la polyphonie des appels avec gourmandise et moult incidentes ou parenthèses dans un encyclopédisme fiévreux, la voix éraillée et les envolées lyriques étonnamment...scientifiques de Jean-Claude Amézeine présentant " Sur les épaules de Darwin ", l’humour de Frédéric Lodéon disparaissant sous des monceaux de CD ou de l’écrivain Jean-Bernard Pouy célébrant l’épluchage de patates avec crissements d’économe et silences pénétrés, la faconde d’Umberto Eco face au sourire charmeur et à l’exultation maïeutique de François Busnel, les confidences d’Annie Ernaux sur les effets littéraires de la solitude, la confession ou la colère, la fantaisie d’une animatrice de Radio Bleue offrant à ses auditeurs pour leurs proches le cadeau d’une chanson ou se laissant coquettement envoyer un présent, la tension d’une jeune enseignante-écrivain invitée sur France Culture, concentrée sur son propos sans cesse différé, décontenancée par un geste ou un document incongrus du journaliste, les yeux écarquillés devant la durée indéfinie du générique d’émission ou une interruption musicale infinie...

Mais que la musique s’évanouisse, se déploie enfin, pur joyau au cœur de la nuit, la parole ténue et puissante, à l’image de ses élèves, de cette pédagogue passionnée qui nous conte son expérience d’une coïncidence inouïe avec une classe extraordinairement créative. Alors, on se dit que le pari du cinéaste, représenter l’invisible, faire de cette absence même d’image le sujet d’un film, est gagné. Rendre compte du mystère de la voix sans le déflorer.

Donner à voir le corps et la personnalité qui portent la voix et ses mystères, comme ce beau livre de Denis Podalydès, accompagné d’un CD, " Voix off ", sur les voix fondatrices de sa famille et celles, plus vastes, du théâtre. Oui, quelle intelligence et quelle sensibilité s’exhalent de France Inter, de France Culture et de France Musique face au ton racoleur et populacier de tant d’autres stations ! Un regret en forme de requête : écouter France Inter à 21 h00 pour réparer l’absence dans notre documentaire de Katleen Evin, dont la voix enchanteresse nous insuffle " une humeur vagabonde ", portée par un générique qui monte comme une promesse de désir...

Claude



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