LES CRAMÉS DE LA BOBINE

Le scandale de l’École de Bariloche

vendredi 13 décembre 2013 par Klaus

Le film "Le Médecin de famille" m’a fait faire des "recherches"(Wikipedia.de etc.) : un septième film autour de l’horreur Josef Mengele. Mais peut-être également autour du scandale de l’école allemande de Bariloche (fondée en 1907 par les premiers colons blancs dans la région). Quand il fut arrêté en 1994, Erich Priebke, notable de la

Lycée Primo Capraro

communauté, était arrivé à la présidence du comité d’administration de l’école. Il paraît qu’ensuite la "troisième génération de nostalgiques du IIIème Reich" continuait à y exercer une certaine influence. Les divers gouvernements de la République fédérale et l’ambassade allemande à Buenos Aires étaient plus ou moins au courant, ne se forçaient pourtant pas à y remédier (craignant des complications diplomatiques ?).

Des enseignants et des directeurs de l’école venaient d’Allemagne et repartaient. Deux d’entre eux ont témoigné de leurs conflits graves avec le comité d’administration. En 2004 l’ancien élève Hans Schulz publia un livre sur l’histoire de la communauté allemande et l’école. Le jeune Hans avait été ostracisé par élèves et enseignants, parce que très tôt déjà il portait un regard critique sur l’institution. Schulz cite le directeur Schadt en poste de 1965 à 1972 : "Nous n’enseignerons pas la 2ème guerre mondiale et ce qu’elle comportait, car cela causerait trop de conflits avec les parents d’élèves".

En 2006 Carlos Echeveria, également ancien élève de l’école, aujourd’hui directeur de la radio locale, sortait un documentaire sur Priepke et le "Pacte du silence" dans le quartier allemand (Belgrano) de la ville ("Pacto de silencia" - titre du film qui a été montré à l’école). Il peut enfin constater que le pacte est rompu. Quand les Priepke (et quelque centaines de nazis et collaborateurs européens - allemands, autrichiens, croates, ukrainiens, belges, néerlandais, français) arrivaient après la guerre, la ville ne comptait que 8000 habitants (comparé aux plus de 100 000 d’aujourd’hui). D’après Ricardo Niborski de la communauté juive de Bariloche, les nouveaux furent bien accueillis par la communauté allemande, mais plus grave, leur idéologie fut partagée bien au delà du cercle allemand, avant et après leur arrivée. La dictature militaire de 1976 à 1983 a rendu plus difficile encore la discussion ouverte sur le passé, y compris sur la 2ème guerre mondiale. En décembre 2009 à Bariloche, lors d’un séminaire sur le génocide (co-organisé par Hans Schulz), une enseignante, autrichienne, constate encore qu’elle a beaucoup de mal de comprendre ce qui se passe parmi élèves et parents et pourquoi personne ne semble vouloir parler de l’histoire : "à Bariloche parmi les personnes d’un certain âge il y en a beaucoup qui nient le génocide."

La question des ressources financières des nazis comme Mengele : Fin des années 50, Fritz Bauer, le procureur méritant de Francfort, quand il se charge entre autres de l’affaire Mengele, suppose que le frère Mengele, riche entrepreneur, a soutenu l’homme en cavale. Mais il semble que celui-ci a plutôt profité de la protection de Hans-Ulrich Rudel ("le pilote de guerre le plus décoré") et son ami, le SS néerlandais Willem Sassen, qui avaient tous deux fait fortune en Amérique latine grâce au trafic d’armes mais aussi en tant que conseillers militaires de Péron et de Stroessner.

Avant et pendant la guerre, l’Argentine avait accueilli plus de victimes des persécutions raciales et/ou politiques par habitant que les EU (45 000 ?). Dans l’après-guerre, le gouvernement Perón ouvre ses portes à autant d’immigrants, quelle que soit leur implication dans des crimes de guerre ou crimes contre l’Humanité. Allemands et Allemands se séparent et s’évitent autant que possible. En mai 2008 la journaliste d’investigation Gaby Weber réalise une émission-radio (en allemand, feature hr2-culture) "Argentine -terre d’accueil pour victimes et bourreaux de l’état NS (national-socialiste)". Elle conclut : "L’intrigante histoire contemporaine, le côte à côte des bourreaux et des victimes, des allemands juifs et non-juifs exilés en Argentine, mérite un travail plus approfondi. Mais ça n’enchante ni le gouvernement argentin ni l’industrie allemande en Argentine. Il ne reste plus beaucoup de témoins."

Ricardo Niborski cité plus haut exprime l’opinion qu’aujourd’hui le problème le plus grave de Bariloche n’est nullement ces 5% d’habitants que représente la communauté allemande et leurs attitudes racistes où pas, mais l’immense pauvreté dans laquelle vivent des dizaines de milliers d’habitants argentins et chiliens de la ville.
...

Ps :
(Par ailleurs l’histoire de Richard Gans revenu en Argentine en 1947 (et non en 1946) est intéressante, mais elle éloigne du sujet du film : en 1948 Perón, persuadé par les promesses d’un physicien récemment immigré qui lui avait été recommandé par sa nouvelle acquisition, le constructeur allemand d’avion de guerre, Kurt Tank, investit dans un projet secret et coûteux de fusion nucléaire (l’improbable panacée énergétique) à réaliser sur l’ile Huemul dans le lac près de Bariloche. Trois ans plus tard, après l’annonce d’un succès spectaculaire qui s’avère inexistant, Richard Gans, alors directeur de l’Institut de physique de l’université de La Plata, est appelé à diriger une commission d’enquête. Le physicien prometteur, ami du président et de sa femme, ne lui est pas inconnu et la faillite grossière du projet le surprend à peine. Pour limiter le dégat, l’équipement coûteux est transféré à Bariloche où l’ancien étudiant de Gans, José Antonio Balseiro est nommé directeur d’un institut de physique nucléaire qui aujourd’hui porte le nom de son directeur-fondateur. Richard Gans meurt un an avant l’ouverture en 1955 (et quelques mois de plus avant la chute de Perón la même année).

Voici un travail universitaire qui touche le sujet


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